Il y a deux ans, à cette période exactement, j'étais en pleine crise d'anorexie. J'avais réussi à perdre 6 kg en deux semaines, et j'étais en train de fondre littéralement ; je m'amusais à compter mes côtés sous la douche... Il y a un an, j'avais repris quasiment tout mon poids, et j'étais complétement désespérée à cause du boulot demandé par la prépa. Pourtant, je m'y amusais bien ; et je ne me doutais absolument pas que quelques semaines plus tard, j'allais finir dans un lit d'hôpital, traitée à la morphine. J'ai fini mon année en étant quand même 8e de ma classe, alors que j'avais loupé plus d'un mois de cours et que la morphine avait sérieusement entamé mes capacités de concentration. Première année de philo acquise mention bien. J'ai traversé une véritable épopée pour réussir à trouver un lycée qui voulait bien de moi en khâgne spécialité philosophie (c'est-à-dire que ça craint, d'avoir été absente plus d'un mois - même pour cause de maladie). Un mois après la rentrée, alors que j'étais déprimée par mes 4h30 de trajet par jour, par un lycée bourgeois beaucoup trop strict, je rechute. Et j'apprends que ma cicatrice est loin d'être parfaite : il reste des bulles d'air dedans, dont une de 3 cm de diamètre qui risque de me pourrir sérieusement la vie. Bam. Plus jamais de sport, adieu la prépa, adieu l'avenir de journaliste itinérant, adieu les concours prestigieux, adieu tous mes rêves de voyages extravagants. Au moindre effort trop important, au moindre stress, je rechuterai. Oh, dans le fond, ça n'a pas d'incidence sur ma santé ; mais vous ne pouvez pas vous imaginer les douleurs atroces que ça provoque. Et seul le repose forcé d'une bonne semaine peut arranger cela. Donc, bonjour la fac, avec toutes les désillusions qui la suit : les profs pas toujours compétents, l'organisation stressante, l'anonymat total... Tout ça sur fond de divorce de mes parents, de disputes avec des amis proches.

Je ne crois pas que cette année 2010 aura été vraiment "parfaite" : opération, avenir anéantit, divorce, disputes, éloignements, argent, maladies... Et pourtant, je n'arrive pas à me dire qu'elle a été "une année de merde" comme j'ai pu le lire si souvent sur les statuts de mes "amis" sur Facebook. L'opération était lourde, et les séquelles sont là, oui. J'ai encore été clouée chez moi ce week end à cause de douleurs trop fortes et je ne ferai pas ce dont j'avais rêvé de faire depuis toute petite. Pourtant, je m'en suis relevée. J'ai arrêté certaines activités qui me tenaient à cœur mais j'en ai début d'autres ; ma bibliothèque a même doublé en un an ! Il est vrai aussi que j'ai perdu des amis auxquels je tenais particulièrement - mais ça m'a juste fait prendre conscience que ceux qui restaient étaient en réalité beaucoup, beaucoup mieux. Le divorce est assez difficile à vivre ; surtout avec les problèmes de maman pour trouver un logement. Mais finalement, tout le monde s'en porte mieux. Et puis, la fac, une fois qu'on s'y habitue, ce n'est pas si terrible que ça. Je crois même avoir trouvé une période philosophique qui me passionne vraiment... Donc non, au final, cette année n'aura pas été "une année de merde". Une année difficile, oui, c'est sûr, mais pas "de merde".

Je crois tout de même que la plus belle des victoires aura été celle que j'ai faite sur l'anorexie. On ne guérit jamais vraiment d'une telle maladie : il m'arrive encore de rechuter et de haïr mon image dans le miroir. Pourtant, je crois qu'elle est loin derrière moi. La preuve principale est d'ailleurs ce regain de coquetterie. Dans le fond, c'est normal : j'ai d'abord réappris à avoir le plaisir de manger. Il a alors fallu que je m'habitue à mon corps qui avait repris quelques formes (je ne compte plus mes côtes...). Une fois fait, j'ai eu envie de le mettre en valeur : coiffeur, habits, accessoire... J'aime ça. Ce qui n'était pas du tout le cas il y a deux ans, où dans le fond, je m'en fichais souvent. Si je faisais un minimum attention, c'était parce que j'avais encore peur du regard des autres.

Le seul défaut de cette année, c'est qu'elle m'a rendue encore plus misanthrope : j'ai mes amis, et j'ai peur d'aller vers d'autres. Ce qui explique cette solitude énorme à la fac... Et le refus de me laisser assez approcher par quelqu'un pour lui faire confiance et apprendre à l'aimer. Mais ça viendra. Ou pas.